Dans la rue comme dans les maisons de retraite, les seniors sont au centre de l’attention jeudi: les professionnels de l’aide aux personnes âgées ont commencé à se mobiliser pour réclamer plus de moyens humains, les retraités pour défendre leur pouvoir d’achat.
Augmenter les effectifs «urgemment». C’est la «priorité» pour l’intersyndicale appelant à la grève dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les services d’aide à domicile, hôpitaux gériatriques et autres structures en charge du grand âge, moins de deux mois après une première mobilisation très suivie fin janvier.
«On ne peut plus admettre que des personnes âgées ne soient pas douchées régulièrement», que leurs repas soient expédiés, résume Mireille Stivala (CGT) au nom de neuf autres syndicats (FSU, Fédération autonome Fonction publique, CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, Solidaires, Union fédérale action sociale et Unsa) et de l’association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA).
Alors qu’un rassemblement est organisé depuis 13H00 sous ses fenêtres à Paris, une délégation était reçue à la mi-journée au ministère des Solidarités et de la Santé.
Les revendications: de meilleurs salaires et conditions de travail, l’abrogation de la réforme du financement des Ehpad… Et surtout un ratio d’un salarié tous personnels confondus pour un résident, contre 0,6 en moyenne actuellement.
Une demande qui serait «pratiquement» satisfaite si la proposition de doubler le ratio de soignants en quatre ans, formulée dans un rapport parlementaire publié mercredi, était mise en œuvre. Soit plus de 200.000 recrutements, pour un coût de 7 à 10 milliards d’euros.
Mais la ministre a déjà fait savoir que la France n’avait «pas les moyens budgétaires» de garantir le ratio d’un pour un. Une position «rigide et inflexible», a réagi jeudi le leader de FO, Jean-Claude Mailly, suggérant de consacrer aux Ehpad une «partie» des recettes fiscales supplémentaires enregistrées en 2017.
Concernant la réforme du financement des Ehpad qui a, selon elle, fait «20 à 25%» de perdants, la ministre promet d’en «neutraliser les effets négatifs» et n’exclut pas des «ajustements», en plus des 50 millions d’euros supplémentaires annoncés fin janvier.
Elle présentera fin mars une feuille de route globale pour la prise en charge du vieillissement.
Efforts «que pour les petits»
«Ni privilégiés ni assistés», les retraités ont commencé à se rassembler partout en France pour dire non à la «baisse de leurs pensions», à l’appel de neuf syndicats (UCR-CGT, UCR-FO, UNAR-CFTC, UNIR CFE-CGC, FSU-Retraités, Solidaires, FGR, LSR et UNRPA).
«Comment un gouvernement peut-il ignorer un quart de ses citoyens?», s’est interrogé Olivier Joucher (CGT) lors d’un point presse en amont du défilé parisien, qui devait quitter Montparnasse à 14H30 vers les Invalides.
«On s’attend à un gros succès», assure Didier Hotte (FO) comme «en septembre», quand des milliers de personnes avaient battu le pavé partout en France pour dénoncer la hausse de 1,7 point de la CSG, prévue pour 60% d’entre eux à compter de janvier et destinée à compenser la suppression des cotisations chômage et maladie du privé.
A Nice, un millier de retraités, selon la police, ont bravé une météo exécrable dans des rues peu habituées à de tels cortèges. «Macron t’es foutu, les vieux cons sont dans la rue», pouvait-on lire sur leurs pancartes.
Ils étaient entre 2.000 (selon la police) et 3.000 (selon les organisateurs) à Tours, de 1.000 à 1.500 à Marseille, près de 1.600 personnes (2.300 selon la CGT) à Caen, environ un millier à Dijon, plusieurs centaines dans les rues de Chambéry ou Bourg-en-Bresse, 300 à Reims…
Interpellé mercredi à Tours, Emmanuel Macron a redit qu’il «assumait» ses réformes et a demandé «un effort pour aider les jeunes actifs». «Il y en a qui râlent et qui ne veulent pas comprendre, c’est la France», a-t-il remarqué.
«Les efforts, on les a déjà faits et on les demande toujours aux petits», s’est indigné Mohamed Jaafari, 73 ans, lors du rassemblement rémois.
Les motifs de mécontentement se sont accumulés ces dernières années: gel des pensions, suppression de la demi-part des veuves ou encore décalage de la revalorisation des retraites d’octobre 2018 à janvier 2019 pour augmenter le minimum vieillesse.