Face à un éventuel resserrement monétaire prévu par les grandes banques centrales, les investisseurs sont de plus en plus inquiets. Par ailleurs, il faudra s’attendre à une future récession mondiale étant donné le spectre d’une inflation galopante. Face à toutes ces craintes, le dollar poursuit son envolée et écrase les autres devises. Pour la Fed, le statut de valeur refuge de sa monnaie est une véritable aubaine. Cela en raison du fait qu’il l’aide à se protéger contre l’inflation importée. Cependant, il ne facilite pas la vie du reste du monde, surtout des pays émergents. Il s’agit de l’un de ces essors à faire blêmir tous ceux du franc, même parmi les plus étonnants.

Une flambée historique

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Le dollar a bondi de 13 % depuis un an. La monnaie américaine a même gagné 6 %, sur le seul mois d’avril dernier, face à un panier de devises à savoir l’euro, la livre britannique et l’euro. Mesuré par rapport aux échanges commerciaux, cet indice du dollar n’a jamais été aussi haut depuis deux ans. Cette puissance du « greenback » peut paraître invraisemblable étant donné que l’on ne cesse de douter de la pérennité de son statut de monnaie de réserve, particulièrement depuis l’invasion de l’Ukraine et des répressions financières infligées à la Russie. Les prévisionnistes étaient nombreux à estimer que le yuan devait en profiter. Sauf que, pour l’heure, c’est tout à fait le contraire qui est en train de se produire.

Si le dollar fait d’excellents résultats, c’est surtout en raison d’un ensemble de causes. Il y a d’abord la perte de dynamique du Bitcoin et de toutes les autres cryptomonnaies. Cela est dû au scandale de l’écroulement de l’écosystème TERRA et des divers piratages de Bridge sur les derniers mois. Il ne faut pas non plus oublier le conflit Russo-Ukrainien. Toutes ces situations font plus que jamais du billet vert une valeur refuge.  

Une possible hausse des taux

Alors que le dollar prospère, le yuan lui perd du terrain. Cela s’explique par de nombreuses raisons. Tout d’abord, la monnaie américaine profite d’un statut de monnaie refuge, et cela jusqu’à aujourd’hui même si les incertitudes sur l’économie mondiale sont importantes. Il y a ensuite, il y a les perspectives de hausses des taux aux Etats-Unis qui garantissent une augmentation des rendements et suscitent l’intérêt des investisseurs. D’ailleurs, à la fin du mois d’avril, le taux à dix ans a dépassé les 3 % pour la première fois depuis 2018.        

En outre, la Banque d’Angleterre a déjà procédé à des hausses de taux, ce qui n’est pas encore le cas pour les autres banques centrales. Une telle situation crée un différentiel encore plus favorable au dollar. Ce dernier a donc devancé l’euro à 7 % depuis le début de l’année. Il a ainsi gagné 4 % face au yuan et même 12,7 % et 7 % face au yen et au franc, ces monnaies refuge. Par ailleurs, les visions de la Chine se sont largement obscurcies. Représentant le moteur de la croissance mondiale ces dernières années, le pays va devoir faire face aux conséquences de la lutte contre le covid et des confinements à répétition. Pourtant, là également, dès que des doutes se fondent sur la santé de l’économie mondiale, le dollar connaît une forte croissance.

Une montée en puissance viable

D’après Claudio Wewel, stratège spécialisé dans le marché des changes à la banque J. Safra Sarasin, la hausse des prix de l’énergie liée à l’invasion de l’Ukraine, profite aussi aux monnaies dites «commodities» parce que leur pays est un producteur de matières premières. Il explique dans une note qu’aucun de ces facteurs n’est près de se calmer. De ce fait, il faudra s’attendre à ce que ces prochains mois, le dollar reste fort. D’ailleurs, la plupart des analystes partagent cette prédiction.

Peter Rosenstreich, responsable des produits d’investissement chez Swissquote estime que malgré le fait qu’elle a ses limites « Je ne vois pas de raison structurelle qui explique le rallye du dollar, ce qui signifie qu’il ne durera pas éternellement. La Fed a été la première banque centrale à sortir du bois en relevant ses taux d’intérêt. Mais attendez que la Banque centrale européenne, ou, oui, la Banque nationale suisse aussi s’y mettent et cela fera disparaître cet avantage ».

Quoi qu’il en soit, le dollar pourra cependant maintenir son avance étant donné que ses homologues ne pourront aller plus vite que la Fed même si elles resserrent leurs taux. Pour la Fed, la flambée actuelle du dollar constitue une sorte de bénédiction particulièrement sur un plan : elle lui permet de lutter contre l’inflation importée. Depuis le mois de mars, on a constaté une augmentation de 8,5 % au niveau des prix à la consommation. La banque centrale a du mal à modérer ce renchérissement et toute aide est la bienvenue. 

Un véritable problème pour le reste du monde

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Contrairement à la Suisse, l’économie américaine n’est pas vraiment orientée vers les exportations. Ainsi, lorsqu’elle s’apprécie, elle est indépendante de sa monnaie. Toutefois, même dans ce pays, le dollar fort représente un véritable problème pour certaines entreprises telles que l’Alphabet, la maison mère de Google. Cette dernière a affirmé que si le dollar n’a pas autant augmenté depuis le début de l’année, sa croissance aurait été supérieure de 6 points de pourcentage. Selon la société de recherche financière FactSet, citée par le Wall Street Journal, les sociétés incluses dans l’indice S&P500 enregistrent 40 % de leurs revenus en dehors des Etats-Unis.

Néanmoins, les conséquences de la hausse du billet vert risquent de toucher plus particulièrement le reste du monde. D’après les analystes de Pictet « Un dollar fort pénalise sévèrement les économies émergentes, en renchérissant le coût des importations des denrées alimentaires et de l’énergie ». Cela s’explique par le fait que le plus souvent les matières premières sont libellées en dollars. L’Europe et le Japon, qui a su résister jusque là, sont aussi affectés, mais un problème supplémentaire touche les pays émergents. En effet, « Cela accroît les coûts de financement, car les taux des obligations émergentes en devises fortes sont corrélés aux taux américains » souligne la banque. Etant donné le contexte actuel, la plupart d’entre eux sont confrontés à des finances publiques courbées à cause de la pandémie. La flambée du dollar n’est donc pas une bonne nouvelle.

En 1971, John Connally, le secrétaire d’Etat au Trésor de l’administration Nixon, a dit à des membres du G10 que «C’est notre monnaie, mais votre problème». Ces derniers étaient légèrement choqués. Après la décision d’arrêter la convertibilité en or, le dollar s’était alors violemment déprécié. Cette phrase est restée très célèbre et aujourd’hui encore sa véracité se vérifie. Et cela, même si actuellement le mouvement est inverse.   

Une perspective peu captivante pour l’euro

A la suite de la prochaine réunion de la Banque centrale américaine (Fed), les marchés s’attendent à ce que de nouveaux signaux viennent bouleverser le rythme du resserrement monétaire. La grande majorité des investisseurs prévoient une hausse de 50 points des taux directeurs pour les établir entre 0,75 % et 1 %. Ils anticipent une augmentation de 3 % de ces taux qui conditionnent tous les autres crédits, d’ici 2023. Cela dans un effort pour maîtriser l’inflation. Selon Mazen Issa, un spécialiste de TD Securities, «Avec des taux d’intérêts plus élevés venant des États-Unis et des perspectives de croissance mondiale en décélération avec la guerre en Ukraine, ce n’est pas une perspective constructive pour l’euro». Par rapport au billet vert, l’euro reculait avec – 0,36 % à 1,0507 dollar pour un euro. Cependant, elle tentait de ne pas passer en dessous du seuil de 1,05 dollar, sous lequel la devise européenne était brièvement descendue le mois dernier.

Ces derniers jours, le cri de ralliement dans les salles de marché laissait entendre que « Vendez tout sauf le dollar ». Face à toutes les devises, le dollar se retrouve actuellement au plus haut. Ce qui ne profite pas du tout à l’euro qui ne vaut plus que 1,0422 dollar. Il a perdu 8 % depuis le début de l’année et 13 % depuis un an. L’impact de cette dépréciation est très concret pour le consommateur européen : le baril de pétrole brent, exprimé en dollar, a connu une hausse de 78 % depuis un an. Cependant, en euro, la hausse est de 100 %.

La livre en paie aussi les frais

Christopher Vecchio a déclaré que «On pourrait même dire que la livre est en plus mauvaise posture que l’euro». Pourtant, beaucoup pense que la monnaie unique se trouve sur le chemin de la parité avec le dollar. Même si, en juillet, la banque centrale européenne (BCE) a annoncé une hausse de son taux directeur, elle pâtit de la comparaison avec la Fed, qui n’arrête pas d’augmenter en régime depuis plusieurs mois. Les opérateurs ont fait passer, en quelques heures seulement, la probabilité d’une hausse de 0,75 point de pourcentage du taux directeur de la Fed (contre un demi-point attendu jusqu’ici). De plus, la «divergence de politique monétaire» entre BCE et Fed ne passe plus inaperçue depuis quelque temps, affirme Erik Nelson. Vient aussi s’ajouter la divergence qui s’est formée ces derniers jours entre les taux des économies considérées comme les plus stables de la zone euro et les autres.    

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