La Grèce devra se financer sur les marchés à partir d’août. Un scénario dangereux, selon des économistes du CEPR. Sans effacement, la dette est insoutenable.

C’est un avertissement qui a du poids. Il émane du très sérieux Center for Economic Policy Research (CEPR). Dans une étude intitulée « Rapport indépendant sur la dette grecque auprès des créanciers officiels » Barry Eichengreen, Richard Portes, Jeromin Zettelmeyer, Charles Wyplosz et d’autres économistes expliquent qu’Athènes ne peut pas remettre son  sort entièrement entre les mains des marchés , comme s’il était un émetteur comme un autre. Le scénario prévu avec ses grands créanciers, qui fixe au mois d’août la sortie de la Grèce du dernier programme d’assistance financière, leur paraît irréaliste.

Les auteurs ont fait tourner leurs modèles et concluent que l’accord signé lors de l’Eurogroupe de juin 2017 ne « permet pas de rendre la dette grecque soutenable même en reprenant les hypothèses relativement optimistes qui ont été retenues en matière d’inflation, de croissance et de surplus primaire ». Le plan est encore moins viable si l’on s’appuie sur les hypothèses plus prudentes du FMI. Et même en tenant compte des mesures supplémentaires de moyen terme envisagées par l’Eurogroupe – mais qui n’ont fait l’objet d’aucun engagement officiel – « la dette serait à peine soutenable ». Ces mesures, qui interviendraient à partir de 2022, incluent un allongement de maturité des titres détenus par le Mécanisme européen de stabilité (MES), le report des échéances à l’égard du Fonds européen de stabilité (FESF) et un lien entre les remboursements et la croissance du pays.

Retour sur les marchés

Les huit économistes pointent l’un des grands défauts de ce plan : l’absence de tout mécanisme dissuadant Athènes de trop emprunter sur les marchés à partir d’août. « L’Eurogroupe espère que le seul fait d’avoir besoin des investisseurs privés sera un facteur de discipline pour le gouvernement et garantira une politique budgétaire saine… il est peu probable que ce soit le cas », soulignent-ils. En effet, ils expliquent que les nouveaux financements peuvent être structurés de telle sorte qu’ils soient remboursés avant que le pays n’honore ses principales échéances à l’égard de ses créanciers officiels. « Cette nouvelle dette vis-à-vis du privé sera de facto senior, ce qui encouragera les marchés à prêter à la Grèce, sans se soucier de savoir si le gouvernement sera capable ou non d’honorer ses engagements auprès des bailleurs officiels ».

Trois alternatives sont explorées. Les auteurs étudient d’abord l’effet d’un effacement de dette, tout en limitant l’aléa moral. « Pour chaque euro de surperformance budgétaire enregistré par la Grèce, on réduirait d’autant la dette du pays  envers le FESF , jusque dans une certaine limite », proposent-ils. Cette solution, qui lie allègement de dette et discipline budgétaire sur le long terme, rendrait la dette soutenable selon eux.

Dette insoutenable

Deuxième option : poursuivre le financement du MES, qui est moins onéreux que de lever des fonds sur les marchés (ce qui, précisément, rendra la dette insoutenable). « Mais même en prolongeant le programme de vingt ans, le compte n’y serait pas. Et en combinant toutes les  mesures envisagées par l’Eurogroupe , la probabilité de rendre la dette soutenable ne serait pas forte. » Cette solution reste cependant préférable à celle d’un retour intégral sur les marchés.

Enfin, les économistes explorent la possibilité d’appliquer les mesures de rééchelonnement non pas seulement à la dette FESF, mais aussi aux prêts bilatéraux (53 milliards), accordés au début de la crise. Calculs à l’appui, ils jugent que cela serait insuffisant. Il faudrait combiner l’option du maintien d’une assistance du MES pour que la dette soit soutenable. « Mais alors la Grèce n’aurait toujours pas fini de rembourser sa dette aux créanciers officiels européens au XXIIe siècle ! »

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